16 Août | Sarria | J25

Une nuit exceptionnelle ! Nous avons eu une nuit exceptionnelle, depuis la soirée, dans cette auberge de village de montagne à Fonfria. En montagne, le temps s’écoule d’une façon très particulière. C’est déjà la sensation que nous avions la veille du départ, dans notre petit gîte du Pays Basque. Le temps s’écoule loin de tout, autour des choses essentielles. Aussi, rien ne comptait que le repos, le silence, la bonne chair et les échanges humains. C’est un peu tout ce que nous avions hier. Rien ne manquait et rien n’était de trop. Nous avons même pu nous réchauffer avec un feu de cheminée tout en mangeant une soupe chaude, délicieuse, du riz, que nous espérions depuis très longtemps, du veau et une tarte aux amandes. Un festin à volonté auquel nous avons fait honneur. Nous nous sommes resservis sans fin, et l’aubergiste au grand cœur, au grand sourire et aux gros seins nous resservait tant que nos assiettes étaient vides. Le grand air avait vraiment creusé nos estomacs, et nous n’avions mangé que sur le pouce en milieu de journée.

Nous avons mangé à côté d’un coréen, que nous croisons par hasard partout où que nous soyons, depuis plusieurs jours, quand bien même nous décidons de faire du hors-piste comme aujourd’hui. Nous ignorons son nom, mais notre affection pour lui est totale. Et ses sourires nous font oublier la longue soirée qu’il nous a fait passer il y à quelques jours en restant sur son smartphone dans la chambre que nous partagions, toutes lumières allumées, alors qu’Allan et moi, une femme enceinte et un  junky souhaitions dormir.

Nous y avons également retrouvé deux autres asiatiques, un père et son fils, très discrets, que nous côtoyions régulièrement depuis Ventosa, bien avant Burgos. Le fils ne doit pas avoir plus de huit ans, et avance à un rythme impressionnant. Le père reste très discret et marche souvent seul, laissant son fils quelques kilomètres derrière lui. Ce couple très silencieux, nous le retrouvons très régulièrement dans la même auberge, à la même table, depuis maintenant deux bonnes semaines, quel que soit le nombre de kilomètres que nous décidons de faire chaque jour. Le fruit du hasard ? Nous avons de plus en plus de mal à y croire. En tous cas, l’austérité du père fond chaque jour un peu plus, peut-être sous l’effet de la surprise de nous revoir.

Nous avons quitté les montagnes et nous sommes péniblement arrivés à Sarria. Péniblement car les itinéraires d’aujourd’hui étaient multiples, avec des indications parfois contradictoires. Il y avait le chemin présenté comme agréable, avec la balade le long du rio, sous les châtaigniers, dans un parcours fait de chemins de terre ombragé, d’une vingtaine de kilomètres, il y avait aussi le chemin de vingt-neuf kilomètres, longeant la route bitumée. Nous en avons suivi un autre, un peu hasardeux, suivant le tracé d’une route départementale. Puisque nous sommes dimanche, la route était presque déserte, et nous n’avons croisé aucun pèlerin puisque nous étions hors-piste. Aucun pèlerin sauf notre coréen qui avait, lui aussi, décidé de faire du hors-piste au même moment que nous sur la même route.

Notre chemin a quand même été très fatigant. Nous ne savons pas exactement combien de kilomètres nous avons fait. Selon des estimations sur carte, nous devons être à peu près à 30 kilomètres, mais lorsque c’est pénible et sans surprise, cela semble long, long. Nous sommes fatigués comme si nous en avions fait 40. Je pense qu’on en a fait 40.

La majesté des montagnes de notre matinée et du début d’après-midi, baignées de nuages cotonneux que nous avons traversés de haut en bas, restera un souvenir très vif, ponctué des premiers groupes de catholiques rencontrés, constitués de jeunes garçons entourant un aumônier ou de quelques bigot entonnant à l’unisson des chants religieux en marchant. « Jésus envoie-nous l’Eprit Saint… » J’ai cru perdre Allan à deux reprises et j’ai pu constater définitivement sa conviction d’athée.

Sarria est une ville de départ de pèlerins. Chaque maison est une auberge. La ville ressemble à un campement de campagne qui s’apprête à lever le camp. Allan appréhende. Moi, l’ayant déjà vécu, j’ai seulement le souvenir amusé de ces pèlerins de la dernière heure, des cent derniers kilomètres, tout frais, pimpants, blancs, parfumés, qui courent juste après la Compostella, certificat catholique délivré aux pèlerins ayant fait au moins les cent derniers kilomètres.

Je l’espère et le crois, nous n’avons plus rien à craindre des chinchas. Nous les avons toutes éradiquées. Papa, tu peux dormir serein et ne plus de retourner l’estomac à cause de ces starlettes. En revanche, Allan s’est fait dévorer le mollet par un insecte non identifié. Les morsures sont nettes et l’allergie est avérée puisque son mollet est recouvert de plaques d’une dizaine de centimètres carré.

L’assiette de poulpe vient d’arriver sur la table. Allan l’entame. Je ne vois plus aucune raison de poursuivre cet article, sinon en courant le risque qu’il n’y ait plus de poulpe pour moi.

Je vous embrasse et je fonce au poulpe à la Galliaga. Je vous embrasse aussi. A demain.

Ville de départ : Fonfria
Ville d’arrivée : Sarria
Distance parcourue : 30 km
Durée totale : 8 heures 30

Distance totale : 694 km

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