29 Juillet | Ventosa | J7

Ville de départ : Viana
Ville d’arrivée : Ventosa
Distance parcourue : 28,5 km
Durée totale : 8 heures

Distance totale : 183,5 km

Il est 15h. Nous avons posé nos bagages à Ventosa. Nous avons pris le temps de nous installer, de nous laver et de laver le linge. Nous avons dû arriver vers 14h. La journée a été rude. Les vingt premiers kilomètres ont été faciles et nous sommes arrivés à Navarette sans encombre, après avoir traversé le grand parc de Logrono, vers 11h30. Nous y avons fait une pause rafraîchissante avant de nous lancer vers Ventosa.

La route a été longue et sans ombre. Nous avons longé des routes, des autoroutes et suivi des chemins poussiéreux, plats et rectilignes. La ville promise semblait avancer en même temps que nous et nous échapper. Nous avancions en utilisant nos dernières réserves d’énergie. Le soleil a bien tapé et ça n’est que quelques centaines de mètres avant notre arrivée qu’un léger vent est venu nous pousser et nous aérer.

Nous avons écouté de la musique, chacun avec notre casque. Nous avions besoin de cela pour anesthésier nos douleurs, crispations, courbatures, tendinites. Mais au bout d’une heure cela ne suffisait plus et le claquement de nos semelles et bâtons ne parvenaient plus à suivre le rythme des chansons. Quelque chose d’autre nous poussait, nourrit d’une sorte d’instinct de survie et de belles pensées. L’instinct de survie car nous savons que tout autour du chemin est grillé, aride, et que le soleil ne pardonne pas. Nous savons que chaque minute passée en plein soleil est dangereuse. Les belles pensées, ce sont celles qui permettent aux douleurs de s’apaiser, qui rendent le soleil moins brûlant et les kilomètres moins longs. Les belles pensées ce sont celles que nous avons pour vous, et puis encore celles dont on ne parle pas.

Ventosa est un petit village qui sort d’un désert brûlant comme un oasis. L’auberge que nous y avons trouvé, et qui semble la seule, possède un jardin très agréable avec une terrasse de laquelle j’écris et une fontaine. Nous y sommes avec six allemands, détendus, comme des survivants qui auraient réussi à braver le soleil. Il y a aussi dans l’auberge le groupe de français que nous suivons depuis plusieurs jours. Ce groupe est mené par un belge qui se présente comme un petit caporal bavard et fatigant. Nous ignorons les motivations de son voyage mais nous sommes sûrs de pouvoir exclure le silence de la liste des raisons qui le poussent sur le chemin. D’une rue à l’autre nous pouvons l’entendre raconter ses exploits, caqueter et assommer le groupe de français de sa gouaille.

Ce belge, nous lui préfèrerions presque la bigote du refuge d’hier soir. Geneviève. Elle ne parlait que de « l’esprit du chemin » et semblait en avoir le monopole. Selon elle, personne ne respectait « l’esprit du chemin ». Et lorsque le curé est venu à notre table et qu’il s’est installé non pas à côté d’elle mais à l’autre bout de la table, à côté de moi, elle a manifesté une désapprobation singée. Moi, qui n’étais pas allé à la messe, j’ai eu le privilège d’avoir le curé à côté de moi ! Ce curé, très gentil au demeurant, qui n’a rien trouvé de mieux que de faire un tour de table à la fin du repas pour que chacun explique les raisons de son chemin. Geneviève piaillait d’impatience de nous expliquer sa foi. Mais j’étais le premier interrogé. J’ai bafouillé je ne sais quoi en franco-anglo-espagnol. Les pupilles du curé se sont dilatées et la maîtresse de maison m’a interrompu en expliquant que je n’étais pas obligé de répondre. Allan, en suivant, et bien que sa foi catholique soit récente, a expliqué qu’il faisait le chemin pour trouver la paix et la tranquillité. Nous avons ensuite été dans l’église, dans la nuit, avec le prêtre et l’un des pèlerins qui nous a offert un bel instant de musique. L’acoustique, la belle voix du chanteur et l’immensité de cette cathédrale du 13ème siècle ont fini de convaincre Allan qui a décidé de devenir hospitalier de Saint Jacques.

A l’instant, en observant ses pieds, je lui découvre trois nouvelles ampoules. Il est vexé et vient de m’avouer qu’il ne croit désormais plus en Dieu. Je crois que nous allons fêter ce soir le terme d’une conversion religieuse avortée. Nous ferons bonne chair et ne ferons pas de prière, sinon celle de continuer à profiter aussi bien du chemin.

Ce soir, nous mangerons dans notre petit jardin et nous cuisinerons nous même.

A demain.

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