3 Août | Hornillos del Camino | J12

Une fois encore, mais de manière plus prononcée, nous avons l’impression d’être au milieu de nulle part. Les mesetas, qui débutent aux portes de Burgos, sont de vastes étendues désertiques, sur lesquelles nous voyons à perte de vue des champs de blé et des sols caillouteux. Sur le bord du chemin on ne trouve que quelques plantes grasses et des arbres morts que des bénévoles s’efforcent de planter régulièrement espérant un jour pouvoir offrir de l’ombre aux voyageurs. Rien d’autre. Nous avons laissé derrière nous les derniers reliefs et sommes au début d’un plateau aride de 900 mètres d’altitude et d’approximativement 220 kilomètres de long.

Nous avons passé hier soir une très agréable soirée dans Burgos. La ville, après notre message d’hier, s’est réveillée et une population insoupçonnée s’est mise à fourmiller dans ses rues et sur ses places. Une telle agitation n’a pas été sans nous secouer un peu. Nous avons fini la soirée assis à une terrasse au pied de la cathédrale, à observer l’effervescence en sirotant un verre de vin de la Rioja, qui fut aussi bon que peu onéreux.

Nous avons, comme beaucoup, pensé prendre une journée de repos à Burgos. La ville date du 9eme siècle et fut illustre de longue date. Nous aurions pu visiter ses quartiers, ses musées, profiter de ses balades. Nous aurions pu aussi laisser une chance à la cicatrisation d’Allan et à la détente de mes pieds endoloris. Nous aurions pu également profiter de cette journée pour dormir. Mais nous  n’avons su que dormir un peu plus qu’à notre habitude. Nous avons fait ce que dans le langage normal on appelle une grâce matinée ; nous avons dormi jusqu’à 6h00. Et si les pieds restent douloureux au réveil, ils ne le sont plus dès l’instant qu’on les enfile dans nos chaussures. Nous gardons encore l’espoir de pouvoir nous arrêter à Leon pour deux nuits, même si nous savons que cela nous sera difficile.

Notre union est une force, bien que rien ne puisse surpasser la force d’un pèlerin solitaire. Cependant nous cheminons aussi en solitaire, bien qu’étant côtes à côtes. Nous partageons beaucoup, bien sûr, et puis il y a le reste qui demeure indicible, qu’on ne comprend pas toujours bien, qui est là, que l’on appelle comme on le désire ou que l’on n’appelle pas, et qui est, je crois, le trésor éparpillé sur le Camino. Certes, il faut le reconnaître, il s’agit d’entendre des voix et d’être témoins d’apparitions. Ces voix sont celles qui nous ont traversées ces trente dernières années, celles qui nous ont faits, qui nous ont construits, celles qui nous ont touchés, celles qui nous manquent… Ces apparitions sont de même nature. Et parfois nous n’entendons que nous même et ne voyons à travers le chemin que le miroir que nous osons affronter.

Celui qui marche et va de l’avant est celui qui voit et qui entend. Même la nuit nous avançons. Cela n’est pas de tout repos et la  charge émotionnelle de notre aventure dépasse de loin celle de notre sac.

Effectivement, nous approchons des deux semaines de voyage. Le mot vacances nous semble étrange à employer pour qualifier ce que nous vivons et nous ne nous l’approprions quand même uniquement pour souligner le plaisir d’être libres, d’aller comme l’on veut et où l’on veut, sans avoir de compte à rendre à personne. Nous sommes à la barre de notre embarcation, et nous n’avons de maître que le soleil. Nous vivons un rêve et tâcherons de le vivre encore et encore, au-delà du chemin, au-delà des chemins.

Les photos du chemin, désormais, vous sembleront peut-être pauvres, durant les Mesetas. Effectivement, le paysage n’est pas varié et la puissance du soleil transforme toutes les couleurs en un blanc blé éblouissant. Nous croisons tout de même des papillons dont certains bleus, des cigognes en grandes quantités, avec des nids énormes et perchés sur de nombreux clochers ou cheminées, des hirondelles, avec le ventre blanc, des rapaces, qui nous guettent au dessus des Mesetas et des rossignols qui peuplent les alentours des fontaines où des pèlerins s’arrêtent pour manger.

Je crois qu’Allan finit sa sieste. Nous allons partir à la recherche de nos amis dans le village. Ici, il y a trois points stratégiques dans chaque village. L’auberge, pour dormir, l’église comme point de repère, et le bar (pour certain l’église a d’autres vertus mais ceux-là se font rares). Ainsi on parle du « bar à droite de l’église » ou de « l’auberge deux rues à gauche après l’église ».

Nos amis sont de ceux que l’on retrouve au bar.

Ça y est, Allan est bien réveillé. Je l’entends se donner de grandes claques frénétiquement. Il s’agit des mouches qui sont très nombreuses ici et qui adorent se donner rendez-vous sur ses plaies.

A  demain ! Besos.

Ville de départ : Burgos
Ville d’arrivée : Hornillos del Camino
Distance parcourue : 21 km
Durée totale : 5 heures

Distance totale : 313,5 km

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