4 Août | Castrojeriz | J13

Ville de départ : Hornillos del Camino
Ville d’arrivée : Castrojeriz
Distance parcourue : 21 km
Durée totale : 4 heures

Distance totale : 334,5 km

Chinchas. C’est comme ça qu’on les appelle ici. C’est ce qu’a dit la pharmacienne en voyant Allan. « Chinchas… claro es chinchas ! » En espagnol ça fait « Tchin chasse ». Ça veut dire puce, punaise de lit, saloperie… ça veut surtout dire qu’Allan est recouvert de morsures qui le démangent. Je crois qu’à l’instant où j’écris, s’il lit le mot « démangent », il serait capable de m’arracher l’ordinateur des mains pour trouver un mot plus affreux, plus violent, plus énervant. Las chinchas, c’est une chose qui ressemble un peu au moyen-âge. Nous avons probablement attrapé ça dans le dortoir de Burgos. Nous… ou plutôt Allan, car pour l’instant je n’ai rien à déclarer de mon côté. Je vous laisse apprécier mon appréhension. Je suis aux premières loges d’un spectacle stressant dont je pense être le personnage principal d’ici peu, à en croire l’extraordinaire résistance de ces bestioles et leur faculté à se reproduire.

Allan, que la chance a toujours su accompagner, dans les petites choses du quotidien, s’est écorché copieusement le dos en se relevant d’un lit superposé métallique. Je joue le docteur, en trouvant tout de même que le Camino le met à l’épreuve un peu plus qu’on pourrait l’imaginer. Lui qui n’a jamais tué une fourmi, je l’ai secrètement surpris hier avec une raquette électrique tue-mouche (après avoir électrocuté une mouche, et une seule, je l’ai vu incrédule se recueillir sur la dépouille).

Vous comprendrez qu’à l’heure actuelle las chinchas nous obsèdent un peu. Sans ça, j’aurais pu vous parler de notre soirée d’hier qui fut formidable et probablement l’une des plus mémorables de longue date. Nous étions avec un groupe d’italien et Martino (ou Maha Tchin n’ Hô) un japonais de 65 ans, « libre », parti sur le chemin depuis deux mois et marchant avec grande peine. Il boit beaucoup d’alcool, transporte avec lui trois harmonicas et semble avoir l’oreille absolue. Il nous a donc offert hier soir, en slip, un répertoire de chansons européennes, et un répertoire de générosité extrême. Peut-être les courtes vidéos prises hier sauront vous donner une idée de notre soirée lors de nos retrouvailles.

Les mesetas, quant à elles, sont très agréables. Nous qui pensions traverser un désert brûlant, nous avons dû, pour une partie de notre journée, garder la polaire à cause du froid et du vent. Les paysages sont certes arides, mais il s’en dégage une certaine ambiance de sérénité, effectivement propice à la méditation. Les villages traversés ont l’authenticité qui nous manquait jusqu’à maintenant. Les rues bétonnées, aseptisées et propres à un « Gataca » castillan ont laissé place à des maisons anciennes rénovées avec le respect des origines et des matériaux, dont la terre.

Je suis ravi de découvrir pour la première fois, et avec Allan, cette partie du Camino dont on parle beaucoup et surtout les personnes qui ne l’ont jamais empruntée.

Alors que j’écris, Allan, sur qui la pommade apaisante commence à faire effet, me dit qu’il passe réellement des vacances merveilleuses… J’ose à peine imaginer ce que cela serait sans las chinchas…

Nous vous embrassons depuis Castrojeriz, où les espagnols se réveillent avec des décibels à en fissurer les murs !

« J’ai envie d’écrire, mais je ne sais pas quoi… » disait Nougaro. J’en suis à peu près là, si ce n’est que chaque jour au fil des pas, des tas de mots, d’images et d’histoires me viennent et me donnent l’envie de les coucher sur ce petit clavier. Là, je n’ai presque rien, si ce n’est l’envie de vous suivre dans la conversation car vos commentaires à chacun sont de vrais ‘bonbons’ (ou ‘caminos sans cloque’ c’est selon) chaque matins.
Il faut dire que Samuel raconte bien nos aventures, et que je le laisse bien faire, je ne saurais pas mieux dire.

Il est en train de laver le linge en ce moment. Puisque ces bestioles de malheur m’ont envahi, alors il cumule deux jours consécutifs de lessive pour que je puisse me reposer… De mon côté je tourne, je me retourne, me gratte, me lève, fuis, et retourne vers ma « cama », autrement dit mon lit qui grince et qui m’a volé mon seul grain de beauté dorsal sans réussir à trouver la position qui apaisera ma peau et le feu.
Finalement, c’était pas si mal les cloques. Heureusement la gauche pique encore un peu et me rappelle des douleurs du soir plus convenables.

Aujourd’hui était une journée calme, rapide, qui devrait devenir reposante dans les prochaines heures. Levés à 5h30 avec nos Italiens bavards et gentils, compagnons de chants et de route depuis notre si belle soirée d’hier, nous nous attendions à davantage de temps de marche. En quatre heures nous avons engloutis 21 km entre les plaines jaune coquille d’œuf de la meseta et une petite route b(r)o(r)dée de grands peupliers qui m’empêchaient de parler de penser tant j’étais absorbé par le son du vent dans leurs feuilles. J’ai donc passé les cinq derniers kilomètres de l’étape à écouter les peupliers, la tête en l’air, coudes à coudes avec une américaine, son iphone et ses deux amies ; la prochaine ville étant à 15 km, irréalisables par ces chaleurs, c’est à Castrojeriz que nous ferons halte ce soir et nous nous retrouvons avec 5 heures devant nous.
Nous ne nous ennuyons jamais, nous profitons de ces pauses pour panser, penser et dormir un peu ; récupérer de la fatigue qui s’accumule, même si je pense au fond qu’une partie de nous la cultive pour mieux voler. Nos journées « type » ressemblent donc à ça, sans jamais se ressembler pour autant : un réveil entre 5 et 6, une quinzaine de kilomètres (ceux que je préfère), un lever de soleil, un petit déjeuner, grand café, chocolatines, une part de tortilla pour Sam, une dizaine de kilomètres, un jus d’orange frais, encore cinq et l’après-midi qui commence dans une nouvelle ville, un nouveau dortoir, avec de nouvelles personnes, de nouveaux musiciens, fous, bienveillants, parents, vieux, sages, cons, fragiles, bourgeois, seuls, couples, punks, français, allemands, coréens, espagnols, italiens, croates, polonais, anglais, américains… Une soirée inoubliable, une nuit qu’on ne voudrait pas trop longue.

Au fil du chemin, je pense quasi sans cesse à maman, papa, Lisa, Loïc, à comme cela vous plairait à chacun d’entre vous, pour des raisons différentes, avec ou sans moi. Mais j’aimerais être là.

Je pense en tout cas que c’est ce qu’il me fallait. Le texte que Christian nous a fait partager est très juste, et on a dépassé les vacances pour de bon. C’est une expérience importante.

Oh, mes yeux papillonnent, passent du clavier à mes pauvres avant-bras, au tube de corticoïdes ; c’est déjà l’heure de la sieste, et c’est pas moi qui le dit, mon corps tout entier réclame.

J’avais encore bien des choses à dire, elles viendront, je pense à vous tous, maman, papa, Lisa, Loïc, Annie, Mary, Christian, Magali, Zoé, coco, prenez soin de vous comme on prend soin de nous.

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