Dernière nuit, dernière ligne droite avant le bout du monde duquel nous ne sommes plus séparés que d’une vingtaine de kilomètres, peut-être une trentaine. Nous sommes à l’arrêt dans une montagne prise en pleine humidité entre une brume épaisse et des abats d’eau. Nous savons que de l’autre côté de cette montagne, l’océan nous attend. Pour l’instant nous profitons de notre soirée de veille, dans le froid et la chaleur de notre auberge restaurant. La soirée a un peu le goût de notre toute première soirée de veille, à Aincille, dans des montagnes très ressemblantes, par une même température et probablement autant de mouches. Cette soirée est très spéciale, tout en étant tout à fait normale. Lessive sommaire, pour du linge qui ne sèchera pas, douche, installation du lit, sieste, bière, repos. Et en même temps nous sentons de partout que nous touchons au terme. Nos pieds fatigués demandent grâce, nos vêtements craquent et se déchirent quand ils ne sont pas tout détendus. Mes chaussures sont tellement usées qu’en les portant j’ai l’impression d’être pieds nus. L’un de mes lacets a craqué hier et ne tient presque plus. Il cèdera dans les prochaines heures, et j’espère après notre arrivée. Nos sacs mouillés de transpiration et de nuages, car oui, nous traversons littéralement les nuages, commencent à sentir fort, d’une odeur qui nous suit partout où que nous allions. Notre peau brunie est laissée en pâture à toutes sortes d’insectes, des petites ampoules apparaissent sans pour autant que nous nous en rendions compte. Allan découvre ce que sont les cors aux pieds, lui que j’ai toujours envié pour la délicatesse de ses petits petons. Moi je découvre les durillons. Mon sac de couchage se découd et le duvet à l’intérieur forme une boule informe. L’un de mes bâtons commence à bien s’abîmer. Bref, tout autour de nous se prépare à la fin du voyage. Et au milieu, nous sommes là, arrosés à l’instant par une lumière blanche qui perce à travers les lourds nuages. Nous sommes là, fatigués, mais tellement heureux, tellement fortifiés par cette aventure, tellement remplis de quelque chose de démesuré, quelque chose que mes mots ne sauront pas rendre, ni les photos d’Allan.
Nous aurons parcouru demain 900 kilomètres à travers tout un pays, ou plutôt en partant des montagnes des Pyrénées pour arriver au Cap Fistera. Nous avons traversé des dizaines de villages, quelques grosses villes. Nous avons rencontré des centaines de personnes, en avons pris certaines dans nos bras, avons été émus par d’autres, garderons des souvenirs très chauds de tous. Nous avons bu des litres de bière pour soulager nos pieds et pour refaire le monde. Nous avons eu un peu mal, je crois. Allan ne s’en souvient plus, et moi non plus à vrai dire. Nous avons surtout pris beaucoup de plaisir, énormément. Nous avons ri, beaucoup, énormément. Nous avons dans nos valises des kilomètres de souvenirs, drôles, tendres, troublants, émouvants. Nous avons dans nos cœurs des paysages éblouissants, des montagnes, des plaines, des villages, des oasis, et ce cap sur lequel nous nous lançons depuis deux jours, après Santiago, et qui est le plus bel endroit que je n’aie jamais vu. Des forêts d’Eucalyptus aux rochers montagneux, avec la force vive de l’Atlantique que nous sentons, que nous entendons sans pour autant le voir encore. Nous sommes très heureux d’avoir poursuivi la route au-delà de Santiago. Nous ne l’aurions pas fait, nous serions restés sur une fin étrange, faite de chahuts, de cohue, de bruits, d’agitation et de religiosité mercantile. Je voudrais pouvoir vous offrir ce qui nous entoure actuellement, ces gros nuages qui tombent sur la montagne et qui dévalent à toute vitesse autour de nous pour descendre jusqu’au rio plus bas, le tout dans une odeur de vache qui nous accompagne depuis deux jours et dans laquelle nous avons dormi hier. Je voudrais vous l’offrir car il est impossible de ne pas être bien à cet instant précis, de ne pas être heureux.
Allan à côté relis notre livre de route avec les dénivelés, les villages traversés. Il sourit amusé de repenser à notre façon d’appréhender le voyage à l’époque. Tant de choses ont changé entre ces documents désormais usés à s’en déchirer, gorgés de transpiration et de ce que nous avons autour de nous aujourd’hui. Tant de chose ont changé et semblent nous avoir mis en mouvement, nous qui en avions tant besoin.
Nous venons de retrouver Eric le québécois, dont nous avions fait la connaissance à Agès, la veille de Burgos. Nos chemins s’étaient séparés il y a quelques temps, avant Leon. Nous l’avons retrouvé à Santiago par hasard, et ce soir nous dormirons dans la même auberge. Son sourire nous fait chaud au cœur. Ces retrouvailles étranges sont des petits moments ensoleillés sur notre chemin, comme la retrouvaille de Françoise et Catherine les françaises à Santiago, au détour d’une rue, dont je ne crois pas avoir parlé dans mon article d’il y a deux jours.
Beaucoup de magie donc, beaucoup d’amour, de passion, beaucoup de joie et de rires que nous avons eu beaucoup de plaisir à vous faire partager. Beaucoup de choses, de portes et de fenêtres ouvertes. Beaucoup de souvenirs qui baliseront notre chemin d’après.
En partant au bout du monde, nous voulions vous dire, du plus loin où nous ne sommes jamais allés, du moins en terme de longueur de voyage, à quel point nous vous avons fort en nous, à quel point nous vous aimons, vous, parents et amis si chers, à quel point vous nous êtes indispensables et à quel point nous avons hâte de vous serrer à nouveau dans nos bras.
Le chemin s’achève, du moins s’achèvera demain, lorsque nous serons à la borne kilométrique 0. J’ignore si demain nous aurons quelque chose à dire à ce moment-là, à écrire ici. J’ignore si l’appareil d’Allan saura capturer l’incapturable de l’océan. Vous n’aurez qu’à vous dire que demain, en début d’après-midi, vers 14 heures, nous y serons, nous serons au Cap Fistera et que de là-bas nous penserons évidemment très fort à vous.
A bientôt…
Ville de départ : Santa Mariña
Ville d’arrivée : Hospital
Distance parcourue : 19 km
Durée totale : 5 heures 30
Distance totale : 869 km
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???????????????????????
ça va les gars, il a fait chaud aujourd’hui ? vous êtes fatigué ?
on ne comprend pas quel rapport entre kolanta et le reste peut être 2 verres de vin de trop ?
on reste sur notre faim, c’est pas grave on va se coucher
j’ai bien fait d’attendre, je profite de votre texte en clair cette fois, je ne sais pas ce qui s’est passé je n’avais que Kho Lanta à la place.
j’en ai profité pour regarder les modalités de retour. il y a le train ou bien les bus
la compagnie Eurolines ou la compagnie ALSA partent de Santiago (mais j’ai vu qu’ils passent par La Coruna, qui est plus près de fisterra)
il y a un bus le jour et 1 la nuit. 13 h non stop de santiago à IRUN 9h-22h ou bien 18h-7h
ALSA: le lundi 24 le bus de jour est complet plus de place , la nuit il reste quelques places. prix santiago Irun 62 €
Eurolines : j’ai pas regardé les horaires je crois que c’est moins cher que ALSA
train (RENFE) : j’ai pas regardé. le train est moins cher mais il faut réserver (TGV)
Eurolines en fait c’est plus cher 86 € par personne, plus confortable soi disant que ALSA . rien le lundi24 . le mardi 25 oui 1 seul horaire départ le matin de santiago , arrivée à Bayonne la nuit à 1h30. ensuite le jeudi 27 et le samedi29
pour le train il fallait réserver à santiago avant votre marche vers cap fisterra.
Je sais que je l’ai déjà dit mais c’est vraiment beau… ce voyage, vos écrits, vos photos, cette aventure… C’est une expérience tellement enrichissante dont vous allez vous souvenir toute votre vie !!
J’ai hâte de voir vos photos de l’arrivée demain et de lire vos impressions… probablement au moment où je me réveillerai puisque 14 h pour vous, c’est 8 h pour moi… Mais je n’ai pas hâte que vos écrits s’arrêtent par contre !!
Là, présentement, j’aurai juste envie de vous serrer dans mes bras… chose qui n’est malheureusement pas prête d’arriver… L’année prochaine, ça vous tente pas, un road-trip pour traverser le Canada d’est en ouest ? :-p
En attendant je vous souhaite une belle fin de voyage et je vous embrasse fort !!
C’est beau et vous l’avez partagé jusqu’au bout …
Magique ! MERCI Claudie
Très émue… J’admire votre force de vie, votre amour et ce partage !
Je vous embrasse fort.